• Les évolutions du corps en histoire de l'art

    Les évolutions du corps en histoire de l'art Dissertation vieille d'un an à partir de ce sujet donné en Histoire de l'art :

    "En vous appuyant sur des œuvres d'artistes de votre choix, montrez quelles ont été , selon vous, les grandes évolutions de la représentation du corps dans l'Histoire de l'art. " 

       La représentation du corps apparaît dès la préhistoire aux alentours de -10 000, dès lors, le corps devient un sujet primordial. Sa représentation est tout d'abord archaïque et peu réaliste, généralement, elle met en scène des chasseurs comme les pétroglyphes trouvés en Espagne, ou encore un dieu ou une allégorie telle la statue de Willendorf taillée grossièrement dans de la pierre symbolisant la fécondité. Dans l'histoire, la représentation du corps humain est étroitement liée à la société de son temps, elle en montre ses coutumes, ses mœurs et son avancée dans la connaissance du savoir faire technique. Dans un premier temps, nous étudierons l'évolution des canons esthétiques antiques jusqu'à son déclin au Moyen-Âge. Dans un deuxième temps, nous analyserons le commencement d'une nouvelle vision du corps qui entraînera peu à peu à une déformation corporelle. Enfin, nous montrerons la modernité du corps humain qui se transforme non seulement dans l'art pictural, mais également dans un art plus corporel et charnel où le corps même de l'artiste est modifié.

     

       Dès l'Antiquité, la représentation du corps est strictement codifié, que cela soit en Égypte, en Grèce ou en Rome antique. Dans la statuaire grecque classique les dieux masculins ainsi que les athlètes sont représentés nus et musclé (ainsi qu'une peau hâlée sur les vases) alors que la femme est en général montrée avec un vêtement : en effet cette représentation est étroitement liée à la qualité morale qui se transfigurait sur le corps. L'une des œuvres les plus notables sont les statues en chryséléphantine de Phidias, par exemple dans l'Athéna Parténos au temple d'Athènes, le corps est droit malgré une jambe légèrement en avant afin que la statue ne s'affaisse pas sous son propre poids, un être humain ne pouvant pas longtemps garder cette posture. La seconde période du classicisme grec se distingue par un affinement des canons de proportion, par une interprétation plus légère, moins raide, que la période précédente, ainsi que des sujets plus prosaïques. Les sculptures gagnent en mouvement et en mobilité, et deviennent plus tridimensionnelles grâce à la multiplicité des points de vue. 

       Peu à peu lors de la période de transition avec le Moyen-Âge, les canons esthétiques se perdent avec la nouvelle tradition judéo-chrétienne qui prône la chasteté et la désacralisation du corps, ainsi ses codes et ses techniques disparaîtront du monde européen occidental. Le corps n'est plus qu'un principe d'échelle avec un point de vue philosophique et cosmique. La figuration du corps est beaucoup moins réaliste, elle est simplifiée et codifiée dans la peinture comme celle de Jean le Bon ou dans la sculpture telle qu'avec la statue de Charles le Chauve.

       À la Renaissance, après la redécouverte des techniques de réalisation de la représentation de la figure humaine en s'inspirant de l'Antiquité, notamment sur l'aspect idéal du corps. Il faudra attendre Donatello avec sa sculpture d'un David pour que le nu revienne dans l'art. Par exemple le David de Michel-Ange montre un homme au physique idéal, cependant la représentation diffère de la statuaire antique, en effet la position du corps est en contrapposto et ses proportions sont mauvaises afin de créer un effet de perspective, ainsi le haut du corps est plus large et ses bras sont anormalement longs or le mouvement est encore artificiel, et l'idéalisation du corps est encore très marquée, notamment au niveau du visage. Avec le style maniériste, les drapés gagnent en souplesse et en effets décoratifs, et les courbes du corps se font plus sinueuses grâce à la pensée humaniste transformant la vision du corps. À cette période le corps commence sa première approche de liberté et de connivence, bien qu'il soit encore très encadré. Par exemple La Vénus d'Urbin du Titien peint aux alentours de 1525, met en scène une noble, sa position est lascive et ses yeux regardent le spectateur, ce nu est allongé dans des matériaux nobles qui le mettent en valeur, cependant il faut remarquer que le peintre reste encore dans un certain pudeur quant à vis du corps qui gomme ses imperfections voire sa crudité contrairement à une œuvre bien plus tardive de Courbet comme L'Origine du Monde.

       À partir du XIXe siècle, le corps se délivre peu à peu des codes classiques et devient libre. Dans un premier temps, les artistes académiques restent dans la lignée du classicisme, du baroque ou encore du maniérisme, tout en étant influencé par un monde en grande mutation industrielle et sociale. Le mouvement romantique et orientaliste transforme le corps, principalement féminin, en un objet de désir et de fantasme. Avec La Grande Odalisque d'Ingres en 1814, le dos s'allonge à cause d'un rajout de vertèbres pour avoir une courbe harmonieuse dans le tableau. Cette odalisque montre une femme érotique, fantasme du rêve orientale du siècle, celle-ci laissera la voie à de nombreuses œuvres postérieurs de transformer la figure humaine. Un scandale éclate, il ne s'agit plus d'un être humain que nous voyons au quotidien mais d'un monstre, jusqu'à où doit aller le réalisme ?

     

       Le sujet devient de plus en plus prosaïque et sa représentation de plus en plus travaillé non plus sur son réalisme depuis l'invention de la photographie, mais par de nouvelles techniques et effets artistiques. Le développement de la caricature va redonner un nouveau souffle sur la représentation corporelle, les caractères physiques sont déformés, exagérés jusqu'à l'extrême comme la caricature d'Honoré Daumier en 1831 sur l'actuel roi Louis-Philippe le représentant comme le géant Gargantua. Le corps est ainsi libéré des codes classiques, nous pouvons alors comparer l'évolution dans l’œuvre de Paul Richer dans sa sculpture Tres in Una en 1913 reprenant les canons de ces trois époques par trois représentations de la femme. Nous distinguons trois positions différentes, la statue antique au centre est idéalisé et possède un ton solennel avec une jambe légèrement en avant ; la statue de la Renaissance porte une jarre comme l'allégorie de la source, en contrapposto et une coiffure d'époque ; la statue moderne a une position et une attitude relâchées en prenant appuie sur la statue antique, elle laisse figurer ses formes plus sinueuses que les deux autres.

       Au XXe siècle, le corps se fragmente peu à peu. Dès 1907 Picasso entre dans le cubisme avec Les Demoiselles d'Avignon, ces femmes, tout comme l'avait fait précédemment Manet avec Olympia en 1863, sont des prostituées espagnoles, leur corps est géométrisé ( Picasso suit les instructions de Cézanne en « [traitant] la nature par le cylindre, la sphère et le cône » ), anguleux ressemblant aux masques et idoles africaines. Tout comme Jean-Paul Goude en 1972, l'artiste fragmente et rallonge le corps de Grace Jones, déjà très allongé, dans un collage où il a préalablement photographié son modèle, faisant écho au cubisme analytique de Picasso et Braque. L’œuvre Grace Jones met ainsi en scène un véritable corps qui devient l'objet et la matière même de la représentation.

       Le corps est devenu matière dans l'art contemporain, parfois poussé jusqu'à l’extrême, voire déroutant dans la société européenne. En 1969, Michel Journiac propose un événement la Messe du corps, celui-ci sert à manger du boudin fabriqué avec son propre sang, cet art corporel n'est pas anodin, celui-ci met en évidence l'un des problèmes quotidiens : le cancer, ici probablement la leucémie. Ce thème est étroitement lié à l'artiste, lui-même atteint d'un cancer des os, qui tente de canaliser la douleur. Un contemporain va même jusqu'à pousser les limites du corps humains, il s'agit de Stelarc avec l'Événement peau étirée en 1974, cet artiste australien, métamorphose son corps. C'est une série de 27 performances en suspension réalisé à Tokyo, il est accroché par des crochets dans la peau et est suspendu à plusieurs mètres de haut. Il tente de montrer l'obsolescence du corps comme pour le transformer en machine. Il s'est également greffé une oreille et un micro sur son bras et un haut parleur dans sa bouche montrant donc une tendance transhumaniste. En 1997, Robert Gligorov réalise un montage numérique le corps humain, en transformant la peau carnée en peau d'orange, Orange face montre également une tendance transhumaniste au bord de la monstruosité.

       Pendant qu'une branche de la représentation passe à la présentation du corps, d'autres artistes vont l'utiliser comme un matériel notamment dans l'Abstraction ou plus tard avec le Nouveau Réalisme. Par exemple, dans les Drippings de Jackson Pollock de l'après-guerre avec l'action painting, le peintre américain n'utilise plus de pinceau mais fait directement couler la peinture sur une toile au sol grâce à des gestes ressemblants à une danse, presque comme s'il réalisait une performance. La performance est reprise dans les années 1960 avec les Anthropométries d'Yves Klein en France, celui-ci use des corps de modèles enrobées dans de la peinture bleu de Klein afin de représenter le corps dans leur plus simple appareil par une empreinte. Cette performance s'alterne avec de la musique monocorde pendant que les modèles, dirigées par Klein, se collent sur une toile verticale ou au sol en se faisant glisser dessus.

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